La galette des rois au Moyen Âge : vous reprendrez bien une part ?

Posté par sourcesmedievales le 5 janvier 2013

« Voire ! dit Mancion, qui oït son plaidier ;
Mais que la nuit des Rois, au souper comenchier,
Puist la feve trouver au gastel despechier
 »
- chanson de geste du XIVe siècle.

La galette des rois au Moyen Âge : vous reprendrez bien une part ?  dans Actualités galette-des-rois-photo-300x172La gourmande et si profane galette des rois d’aujourd’hui est intimement liée à une fête chrétienne majeure, celle de l’Épiphanie, célébrée le 6 janvier, ou en général le premier dimanche du mois de janvier. On la pense païenne à ses origines, une douceur cuisinée pour les fêtes un brin orgiaques des Saturnales dans l’Antiquité Romaine, pour célébrer le retour progressif du soleil dès après le solstice d’hiver, d’où la forme solaire de la galette. La tradition veut que cette fête antique ait institué les rites qui gouvernent encore la distribution au hasard des parts de ce gâteau, choisies par un enfant – symbole de l’innocence – tout comme la fantaisie d’y cacher une fève désignant le Saturnalicius Princeps – le maître des Saturnales ou le « roi d’un jour ».

À la fin du IVe siècle, l’Église christianise ce rituel païen et lui substitue donc l’Épiphanie (« révélation » en grec), grande fête de la « manifestation du Christ au Monde », célébration de la présentation et de l’adoration de Jésus par les rois mages. La galette du roi d’un jour devient la « galette des rois ». On « tire les rois », toujours au sort, mais on réserve des parts pour le pauvre, le voyageur ou le membre absent de la famille.

Pour ce qui est de la galette des rois et de sa recette, au Moyen Âge, le royaume de France se partage encore une fois, et résolument, en deux. Dans les territoires où l’on cuisine à l’huile et on parle oc, en Provence (tout ce qui est en dessous de la Loire), on fabrique un « gâteau des rois », une pâte à brioche moulée en forme de couronne, tressée ou non, décorée de fruits confits censés représenter les joyaux de la couronne. Les noms, les tours de main, les proportions changent selon les régions : patissous du Périgord, coque des rois entre Toulouse et Montauban, Royaume des Cévennes ou encore garfou en Béarn. Cette tradition a surtout été remise au goût du jour par la papauté d’Avignon, cité où le premier tirage des Rois aurait eu lieu au couvent des Dominicains de la ville. En 1343, le pape Clément VI crée même dans ce but la charge « d’écuyer en confiserie » (excouyro en confissarias), charge qui échoit dans un premier temps au confiseur aptésien Auzias Maseta. Progressivement, l’usage veut que l’on partage la « galette des rois » en autant de parts que de convives, plus une. Cette dernière a successivement pris le nom de « part du Bon Dieu » ou « part de la Vierge », puis « part du pauvre », réservée au premier d’entre eux qui se présenterait au logis.

Dans les territoires de langue d’oïl où l’on cuisine au beurre, au Nord de la France donc (en dessus de la Loire), on prépare dès le XVe siècle un dessert de pâte feuilletée fourrée de crème pâtissière mélangée à de la crème d’amandes. Les légendes culinaires attribuent toutes à un certain Frangipani, italien éponyme mais multiple (on en connait cinq, tous susceptibles d’avoir ou bien prêté leur nom ou mieux trouvé la recette), l’invention de ce fourrage délicieux. Gageons que Frangipani est à ce dessert ce que le duc de Sandwich est au sandwich ou ce que Mahon (capitale de Minorque) est à la mayonnaise : des jeux de mots gourmands passés à la postérité. Ce qui est (à peu près) certain c’est que la frangipane, ce parfum d’amandes si caractéristique, servit tout d’abord à masquer l’odeur naturelle des peaux servant à faire les gants et les souliers. À vous d’imaginer comment le parfum du tanneur inspira le pâtissier…

Un grand merci pour sa relecture à mon cuisinier préféré, Nicolas Gouzy.

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Croatie médiévale : un festival, un patrimoine remarquable et des reliquaires

Posté par sourcesmedievales le 30 décembre 2012

Croatie médiévale : un festival, un patrimoine remarquable et des reliquaires dans Actualités img_1825-224x300«  La veille de la Saint-Martin, ils arrivèrent devant Zara en Slavonie et ils virent la cité fermée de hauts murs et de hautes tours ; et en vain vous auriez demandé une [cité] plus belle, plus forte, ou plus riche. Et quand les pèlerins la virent, ils s’émerveillèrent beaucoup […] » (d’après G. de Villehardouin, De la Conqueste de Constantinople, Renouard, Paris, 1838).

L’exposition « Et ils s’émerveillèrent… Croatie médiévale » a ouvert ses portes au Musée national du Moyen Âge de Cluny le 10 octobre 2012 et s’achèvera le 7 janvier 2013. Occasion ultime de profiter de cette exposition dans les jours à venir. Derniers feux d’une Croatie médiévale méconnue.

Le projet d’une exposition sur la Croatie médiévale est à l’origine une commande politique. Il s’inscrit dans un programme national lancée en septembre 2012, un festival intitulée « Croatie, la voici » rassemblant une soixantaine d’événements organisés à l’occasion de l’adhésion de ce pays à l’Union européenne. La Croatie deviendra en effet le 28e état-membre de l’Union à partir du 1er juillet 2013. Le choix de Cluny est un choix fortement affectif dû à la musicologue, diplomate et francophile Seadeta Midzic qui, en février 2011, devient commissaire générale pour un projet d’exposition en France. Avec la volonté de mettre en avant l’héritage historique de la Croatie, principauté au IXe siècle, puis royaume en 925, elle contacte naturellement Cluny.

La venue conjointe (et médiatisée) de Ivo Josipovic, président de la République de Croatie, et de François Hollande, président de la République Française, au Musée de Cluny le 9 octobre n’était donc pas un hasard ou une coïncidence. Pour une fois, le Moyen Âge fut à la une (ou presque) des journaux télévisés du soir.

Petit retour en arrière sur cette exposition. Quand la chose fut mise en place début 2011, dans le temps court imparti et avec un budget serré – essentiellement apporté par la Croatie –, Cluny a opté pour un choix restreint d’œuvres – 43 au total – au vu de l’espace concerné (les salles 2 et 3 du musée), et malgré une période couvrant le Moyen Âge croate dans sa totalité, du IXe siècle au XVe siècle. L’orfèvrerie étant le point fort des collections croates selon Seadeta Midzic, le cœur de l’exposition était dès lors fondé, puis consolidé par des manuscrits et des sculptures, mêlant civil et religieux, richesse des échanges en Occident chrétien, le tout orchestré par Nikola Jaksic, professeur émérite de l’université de Zadar, et Michel Huynh, conservateur en chef au Musée de Cluny. Les collections sollicitées, trésors de musées d’églises, de cathédrales et de couvents, furent multiples : Pula, Zadar, Nin, Trogir, Split, Dubrovnik ou encore Zagreb, Rab et Sibenik. Le propos de l’événement étant fixé, les trésors sélectionnés, restait la construction de l’exposition en elle-même et la mise en valeur des pièces remarquables.

Le savoir-faire des équipes de Cluny, conservateurs, metteurs en scène et monteurs, se retrouve pleinement dans la scénographie sobre et efficace choisie pour l’exposition, et le réemploi d’un mobilier de présentation précédemment utilisé – confidence de la directrice du Musée – ne nuit en rien à l’ensemble installé. Une présentation chronologique a été choisie, avec une mise en valeur de chefs-d’œuvre de l’orfèvrerie croate, et plus particulièrement des reliquaires en forme d’éléments du corps humain, ensemble revendiqué comme unique en Europe.

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Objet de vénération, les dépouilles des saints martyrs des premiers temps du christianisme ont été exhumées, déplacées et démembrées dès les premiers siècles du Moyen Âge. De ces milliers de reliques partagées en raison de la multiplication des autels et des églises, une partie d’entre elles fut offerte à la vénération des fidèles. Placées dans des reliquaires, initialement simples coffrets, ces reliques, par leur valeur spirituelle et sacrée, sont progressivement conservées dans des châsses richement décorées, de formes variées, dont les plus particulières représentent la partie du corps concerné par le sacré. Ces objets, dits « reliquaires anthropomorphes » apparaissent au Xe siècle, et se rencontrent largement dès les XI et XIIe siècles dans les trésors des établissements religieux, notamment pour les territoires croates. La collection la plus importante en Europe reste celle de la cathédrale de Dubrovnik, qui rassemble des membres entiers – bras et jambe, singularité croate selon Michel Huynh – mais également des formes spécifiques, comme des calottes crâniennes. Sa mise en valeur était donc incontournable dans la scénographie de Cluny. Ce sont ainsi plus d’une quinzaine de reliquaires que l’on retrouve dans l’exposition « Et ils s’émerveillèrent… » dont la réalisation artistique et l’étrangeté des formes marquent l’esprit du visiteur, spécialiste ou amateur. On retiendra le reliquaire en forme de calotte de saint Laurent, daté du XIVe siècle, mais également le bras reliquaire en argent repoussé des saints Pierre, Laurent et André, daté de la même époque, ou la très belle jambe reliquaire de saint Nérée, en bois et en argent, ajourée et dorée, datée du XIVe siècle ; trois pièces de Dubrovnik, trois trésors qui rayonnent dans le Musée de Cluny. Avec intelligence et pour la mémoire collective, toutes les pièces présentées ont été reproduites, précédées d’introductions historiques et artistiques, dans le très beau catalogue de l’exposition édité pour l’occasion (95 pages, 22 euros).

Six siècles de création artistique des territoires croates du Moyen Âge, une quarantaine d’objets précieux dans deux salles du Musée de Cluny, un témoignage fort d’un art européen exceptionnel et riche, un ensemble rarement rassemblé et aussi bien mis en valeur. Et il ne reste que quelques jours… .

 

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