Certains l’avaient oublié, malgré son label « chef-d’œuvre ». La Dame à la licorne est pourtant de retour dans les murs parisiens du musée national du Moyen Âge.
Six tapisseries sont de retour – et on pas une, comme on a tendance parfois le croire – dont la signification reste encore mal connue. Inspirées d’une légende allemande, réalisées dans les dernières années du XVe siècle pour un commanditaire inconnu – probablement lyonnais selon l’héraldique représentée –, elles sont découvertes en 1841 au château de Boussac dans la Creuse par Prosper Mérimée, inspecteur des Monuments Historiques, qui le fit classer. En 1882, Edmond de Sommerard, le premier directeur du musée de Cluny, en fait l’acquisition pour les collections, contre la somme de 25.000 Francs-or. La Dame à la licorne devient rapidement ce que plusieurs appellent « la Joconde » du musée de Cluny. Mais que dire de cette tenture tissée à l’extrême fin du XVe siècle ? La signification généralement acceptée est celle de l’allégorie des cinq sens sur les cinq premières tapisseries : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. La sixième, qui porte l’inscription « mon seul désir » (encadrée des initiales A et I) reste énigmatique, interprétée comme le sens intérieur, celui du cœur, hommage possible à l’ « Amour humain »… Le décor « mille fleurs » des tapisseries, avec des fleurs et des animaux, est certes classique pour l’époque, mais il présente la particularité d’être à fond rouge, ce qui, selon les spécialistes, est audacieux, surtout si l’on suit les codes des couleurs de l’époque.
Ce retour de La Dame à la licorne dans une salle rénovée engage le musée de Cluny dans une communication intelligente autour de la conservation et de la présentation des tapisseries, introduction au projet « Cluny 4 ».
L’histoire s’est réglé en deux étapes. Dans un premier temps, il a été décidé que La Dame à la licorne, examinée en 2011 par des experts, avait besoin d’une restauration sérieuse – la dernière datait de la Seconde guerre mondiale –, entre dépoussiérage (par micro aspiration) et lavage, puis consolidation de certaines parties fragilisées par l’accrochage. Ces opérations ont été ainsi menées en 2012, dans le respect des techniques médiévales, des matériaux utilisés et des couleurs d’origine. A cette occasion, la RMN a mené une campagne photographique exhaustive sur l’œuvre. Puis La Dame à la licorne a voyagé, pour quelques mois, au pays du Soleil Levant – ce n’est pas un hasard… – pour le plus grand bonheur des Japonais de Tokyo et Osaka.
Dans un second temps, la salle d’exposition de La Dame à la licorne, une rotonde du musée éclairée par fibres optiques depuis 1992, a été reconfigurée par Paul Barnoud, architecte en chef des Monuments Historiques. L’accrochage retenu présente les tapisseries du sens le plus matériel (le toucher) au plus spirituel (la vue), l’éclairage privilégie désormais les LED et « la scénographie a été pensée comme un espace intime, facilitant le contact direct du visiteur avec l’œuvre » selon le communiqué de presse. Ce chantier a été essentiellement soutenu par un mécène, le groupe japonais NHK, et par une participation de la Société des Amis du musée de Cluny.
Retour de La Dame à la licorne dans un nouvel écrin et premiers pas vers « Cluny 4 ». Avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication, le Musée national du Moyen Âge engage en effet, avec cet événement, un ambitieux programme de rénovation muséographique afin d’améliorer l’accueil des publics, mettre en valeur le bâtiment – et notamment les thermes antiques – et augmentant sa superficie sur l’espace ouvrant vers le boulevard Saint-Michel.
Cette extension par un nouveau bâtiment de près de 600 m2 sur deux niveaux, et qui sera accolé au bâtiment « néo-antique » du XIXe siècle, a été annoncée le 13 septembre dernier par la ministre Aurélie Fillippetti, dans le cadre de sa politique en matière de patrimoine. Un projet engagé par un concours sur la maîtrise d’œuvre qui sera lancé début 2014, avec un lauréat choisi durant l’année pour un démarrage du chantier en 2015. Il sera principalement destiné à l’accueil du public – un nouvel accès au musée donc, plus visible – et à la régie des œuvres.
On reviendra dans un prochain billet sur ce grand chantier à venir. En attendant… on va s’en aller (re)voir La Dame à la licorne dès cette semaine !
Une programmation d’événements dans le cadre « La Dame à la licorne comme vous ne l’avez jamais vue » est organisée par Musée de Cluny (fichiers pdf ci-dessous).
MuseeCluny – Dame à la licorne activités
MuseeCluny – Programme Jour le plus court – 21 12 2013