Posté par sourcesmedievales le 25 mai 2008
« […] Donc, pour continuer mon propos, y a-t-il roi ni seigneur sur terre qui ait pouvoir outre son domaine, de mettre un denier sur ses sujets sans octroi ni consentement de ceux qui les doivent payer, sinon par tyrannie et violence ?
L’on pourrait répondre qu’il y a des saisons qu’il ne faut pas attendre l’assemblée, et que la chose serait trop longue à commencer la guerre et à l’entreprendre. Je réponds à cela qu’il ne se fait point tant hâter et l’on a assez temps. Et si vous dis que les rois et princes sont beaucoup plus forts quand ils entreprennent quelque affaire par le conseil de leurs sujets, et aussi plus craints de leurs ennemis. Et quand ce vient à se défendre, on voit venir cette nuée de loin, spécialement quand c’est d’étrangers ; et à cela ne doivent les bons sujets rien plaindre ni refuser. Et en saurait advenir car si soudain où l’on puisse bien appeler quelques personnages, tels que l’on ne puisse dire : « Il n’est point de fait sans cause », et en cela n’user point de fiction ni entretenir une petite guerre à volonté et sans propos, pour avoir cause de lever l’argent.
Lire la suite… »
Publié dans Occident XVe s. | 2 Commentaires »
Posté par sourcesmedievales le 25 mai 2008
« Et par exemple, quand un roi ou un prince est prisonnier et qu’il a peur de mourir en prison, a-t-il rien de si cher au monde qu’il ne baillât pour sortir ?
Il baille le sien et celui de ses sujets, comme vous avez vu du roi Jean de France, pris par le prince de Galles à la bataille de Poitiers, qui paya trois millions de francs et bailla toute l’Aquitaine, au moins ce qu’il en tenait, et assez d’autres cités, villes et places, comme le tiers du royaume, et mit ce royaume en si grand pauvreté qu’il y courut longtemps monnaie comme cuir qui avait un petit clou d’argent. Et tout ceci bailla ce roi Jean et son fils, le roi Charles le Sage, pour la délivrance dudit roi Jean. Et quand ils n’eussent rien voulu bailler si [pourtant], ne l’eussent les Anglais point fait mourir, mais, au pis venir, l’eussent mis en prison. Et quand ils l’eussent fait mourir, si n’eut été la peine semblable à la cent millième part de la moindre peine d’enfer. […].
J’ai demandé en un autre article précédent qui fera l’information des grands et qui la portera au juge, et qui sera le juge qui punira les mauvais ? Je réponds à cela que l’information sera la plainte et clameur du peuple qu’ils foulent et oppressent en tant de manières sans en avoir compassion ni pitié, les douloureuses lamentations des veuves et orphelins dont il auront fait mourir les maris et pères et dont ont souffert ceux qui demeurent après eux, et généralement tous ceux qu’ils auront persécutés tant en leurs personnes que en leurs biens. »
Commynes, Mémoires, (livre V, chap. 19), Paris, 1963, p. 166.
Publié dans Occident XVe s. | Pas de Commentaire »