La jeunesse de Guillaume le Maréchal (1180)

Posté par sourcesmedievales le 5 avril 2008

concile.jpg« Il y eut à Eu, en Normandie, un riche tournoi, dont la nouvelle fut portée en France, en Hainaut, en Flandre, en Bourgogne, en Poitou, en Touraine, en Anjou, en Normandie, en Bretagne. Les jeunes gans qui ambitionnaient le prix des armes s’y rendirent de toutes parts. Le jeune roi s’y trouva avec au moins cent des meilleurs chevaliers qu’on pût trouver. Il ne regardait point à la dépense quand il s’agissait d’un chevalier vaillant. Aussi avait-il, par sa largesse et ses autres qualités, surpassé tous les princes de son temps.

[…] À cette époque, un chevalier de la mesnie du jeune roi, qu’on appelait Roger de Gaugi, lui demanda d’être son compagnon. C’était un homme preux, hardi, entreprenant, adroit, mais un peu trop porté au gain. Le Maréchal, sachant qu’il était bon chevalier, lui accorda sa compagnie. Pendant deux ans, ils coururent les tournois, faisant à deux plus de gain que six ou huit des autres. Je ne parle point en l’air ; je me fonde sur les écritures des clercs. Wigain, le clerc de la cuisine et d’autres ont prouvé par écrit qu’entre la Pentecôte et le carême, ils prirent cent trois chevaliers, sans parler des chevaux et des équipements que les comptables n’inscrivaient pas. Peu après eut lieu un tournoi à Joigni. Le jeune roi ne s’y rendit point, mais le Maréchal y alla. Une fois arrivés, les chevaliers s’armèrent et se rendirent dans un lieu voisin de la ville, où ils mirent pied-à-terre en attendant leurs adversaires. La comtesse, accompagnée de dames et de demoiselles, vint les y rejoindre. On se mit à danser au son d’une chanson que chanta le Maréchal. Lorsqu’il eut fini, un jeune ménestrel, nouvellement fait héraut d’armes, se mit à chanter une chanson nouvelle, dont le refrain était : « Maréchal, donnez-moi un bon cheval ! » À ce moment, les plus pressés des chevaliers du parti opposé commençaient à arriver. Sans dire un mot à personne, le Maréchal sortit de la ronde, monta à cheval, et s’étant dirigé vers eux, il désarçonna le premier qu’il rencontra et donna son cheval au petit héraut. Celui-ci revint dans la danse en disant à tous : « Voyez quel cheval ! c’est le Maréchal qui me l’a donné ! »Plusieurs s’émerveillèrent, qui le croyaient encore dans la ronde. Tous, chevaliers et dames, dirent que c’était le plus bel exploit qu’on eût jamais vu dans un tournoi.

[…] Le Maréchal revint auprès de son seigneur qui l’aimait de grand amour. Le jeune roi continua à errer par mainte terre pour conquérir honneur et prix. Il ne se lassait pas de donner. Il ne savait rien refuser. En lui s’unissaient toutes les qualités qui forment gentillesse. Vous savez bien que Gentillesse fut élevée dans l’hôtel de Largesse. – Où demeure Largesse ? – Où ? dans le cœur du jeune roi. »

Histoire de Guillaume le Maréchal, éd. et trad. P. Meyer, Paris, 1891, 3, p. 42 et 65 ; éd. J.-L. Biget, P. Boucheron, La France médiévale, I : VIe-XIIe siècle, Paris, 1998, p. 82-84

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