La paix de Dieu selon Raoul le Glabre

Posté par sourcesmedievales le 15 avril 2008

xie.jpg« Dans l’année qui suivit cette effroyable calamité, ce fut la millième année de la Passion du Seigneur, nuées et tempêtes s’étant apaisées en hommage à la bonté et la miséricorde divines, la face du ciel se mit à resplendir […], tandis que la surface verdoyante du sol portait du fruit en abondance, éloignant la famine. C’est alors que, tout d’abord dans les régions de l’Aquitaine, les évêques, les abbés et les autres hommes voués à la sainte religion commencèrent à réunir tout le peuple en des assemblées, auxquelles on apporta de nombreux corps de sainte et d’innombrables châsses remplies de saintes reliques. De là, par la province d’Arles, puis celle de Lyon ; et, ainsi par toute la Bourgogne et jusque dans les contrées les plus reculées de la France, il fut annoncé dans tous les diocèses qu’en des lieux déterminés, les prélats et les grands de tout le pays allaient tenir des assemblées pour le rétablissement de la paix et pour l’institution de la sainte foi. Quand la nouvelle de ces assemblées fut connue de toute la population, les grands, les moyens et les petits s’y rendirent pleins de joie, unanimement disposés à exécuter tout ce qui serait prescrit par les pasteurs de l’Église ; une voix venant du ciel et parlant aux hommes sur la terre n’eût pas fait mieux. Car tous étaient sous l’effet de la terreur des calamités de l’époque précédente, et tenaillés par la crainte de se voir arracher dans l’avenir les douceurs de l’abondance.

 

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La fondation de la Chartreuse, selon Guibert de Nogent (fin XIe s.)

Posté par sourcesmedievales le 5 avril 2008

xie.jpg« Or, il était à prévoir qu’on verrait également surgir parmi les lettrés quelqu’un qui entraînerait après lui, dans un esprit analogue, une troupe d’ecclésiastiques. Il y eut de fait, vers la même époque, dans la ville de Reims, un homme appelé Bruno, qui était savant dans les arts libéraux et gouvernait de grandes écoles ; on a appris qu’il trouva dans ce qui l’entourait l’occasion de sa conversion. A la mort du très illustre archevêque Gervais, un nommé Manassès s’empara du gouvernement de ladite cité en usant de simonie ; c’était un homme assurément noble mais il n’avait rigoureusement rien de la noblesse d’âme qui, avant toute chose, convient à la haute naissance. Sa promotion avait en effet engendré en lui tant de morgue qu’on le voyait copier la majesté royale des nations étrangères. voire toute l’arrogance de tels monarques […].
Ce Manassès donc se plaisait fort dans la compagnie des chevaliers mais négligeait les clercs ; il a, dit-on, déclaré un jour : « L’archevêché de Reims serait une bonne chose s’il n’impliquait qu’il faille chanter la messe. » Les hommes honnêtes avaient tous pris en horreur les mauvaises meurs et la conduite profondément stupide du prélat ; et Bruno, alors extrêmement célèbre dans les Églises de Gaule, quitta Reims par haine de cet infâme ; plusieurs autres nobles personnages du clergé de la cité l’accompagnèrent […].
Pour ce qui est de Bruno, lorsqu’il eut quitté la ville, il se proposa de renoncer aussi au siècle et, fuyant le contact des siens, il gagna le territoire de Grenoble. Là, décidant d’habiter aux flancs d’une montagne escarpée et vraiment effrayante, vers laquelle ne se dirige qu’un chemin très difficile et fort peu fréquenté, au pied de laquelle apparaît, comme un gouffre béant, une vallée extrêmement encaissée, il y institua le mode de vie que je vais décrire, et ses disciples, aujourd’hui encore, y vivent de la même manière.
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