La dissolution de l’Empire (ca 850)
Posté par sourcesmedievales le 12 avril 2008
« Un bel Empire florissait sous un brillant diadème : il n’y avait qu’un prince et qu’un peuple ; toutes les villes avaient des juges et des lois. Le zèle des prêtres était entretenu par des conciles fréquents ; les jeunes gens relisaient sans cesse les livres saints et l’esprit des enfants se formait à l’étude des lettres. L’amour d’un côté, de l’autre la crainte, maintenaient le bon accord.
Aussi la nation franque brillait-elle aux yeux du monde entier. Les royaumes étrangers, les Grecs, les Barbares et le sénat du Latium lui adressaient des ambassades. La race de Romulus, Rome elle-même, la mère des Royaumes, était soumise à cette nation ; c’était là que son chef, soutenu par l’appui du Christ, avait reçu le diadème par le don apostolique. Heureux s’il eût connu son bonheur, l’empire qui avait Rome pour citadelle et le porte-clef du ciel pour fondateur.
Déchue maintenant, cette grande puissance a perdu à la fois son éclat et le nom d’empire ; le royaume naguère si bien uni est divisé en trois lots ; il n’y a plus personne qu’on puisse regarder comme empereur ; au lieu de roi, on voit un roitelet, et au lieu d’un royaume, un morceau de royaume. Le bien général est annulé ; chacun s’occupe de ses intérêts ; on songe à tout : Dieu seul est oublié.
Les pasteurs du Seigneur, habitués à se réunir, ne peuvent plus tenir leurs synodes au milieu d’une telle division. Il n’y a plus d’assemblée du peuple, plus de lois ; c’est en vain qu’une ambassade arriverait là où il n’y a point de cour.Que vont faire les peuples voisins du Danube, du Rhin et du Rhône, de la Loire et du Pô ? Tous, anciennement unis par les liens de la concorde, maintenant que l’alliance est rompue, seront tourmentés par de tristes dissensions. De quelle fin la colère de Dieu fera-t-elle suivre tous ces maux ? À peine est-il quelqu’un qui y songe avec effroi, qui médite sur ce qui se passe et s’en afflige : on se réjouit plutôt du déchirement de l’Empire, et l’on appelle paix un ordre de choses qui n’offre aucun des biens de la paix. »
Florus, Querela de divisione Imperii, éd. C. Bonnet, C. Descatoire, Les Carolingiens et l’Église VIIIe-Xe siècle, Paris, 1996, p. 127.
Publié dans Occident IXe s. | Pas de Commentaire »