Entre Québec et Paris, de l’art et de la nature aux temps médiévaux
Posté par sourcesmedievales le 26 décembre 2012
Depuis le 4 octobre dernier et jusqu’au 6 janvier 2013 – il vous reste encore quelques jours pour la visiter si vous êtes à Québec –, le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) propose dans sa programmation une exposition tournée vers la période médiévale, autour d’une thématique très générale, l’art et de la nature. Nos cousins québécois étant un peu éloignés, cette présentation de l’événement s’appuie sur la note d’intention, le communiqué de presse et des clichés transmis par le Musée qui permettent d’ouvrir quelques pistes tant sur le propos de l’exposition que sur son contenu. Un catalogue de l’exposition – qui ne nous a pas été envoyé – a été réalisé pour l’occasion, en collaboration avec les médiévistes Michel Pastoureau et Michel Zink.
L’intérêt « politique » de cette exposition simplement intitulée « Art et nature au Moyen Âge » réside dans la collaboration étroite – une première – entre le Musée national des beaux-arts du Québec – depuis 2002, anciennement Musée du Québec – et le Musée national du Moyen Âge de Cluny à Paris. Le musée québécois, orphelin de cette période – car spécialisé sur l’art du Québec du XVIIe siècle à nos jours – , souhaitait un éclairage sur ces temps méconnus depuis 2009. Pourquoi cette envie ? Le MNBAQ n’en est pas à son premier coup : l’année passée, le musée avait invité dans ses murs… les Ballets russes ! La Belle Province a donc fait naturellement appel aux collections de Cluny, dont des œuvres majeures ont traversé l’Océan pour l’occasion. Au-delà d’un prêt traditionnel entre musées, on retiendra que le Musée de Cluny a été cette fois-ci fortement sollicité, puisque 160 pièces (147 numéros dans le catalogue de l’exposition) ont été sorties des collections ou des réserves pour composer l’exposition québécoise dans son intégralité. L’ensemble a représenté trente caisses, réparties en trois lots de valeur sensiblement égale, embarquées sur trois avions différents, chacun décollant à un jour d’intervalle… on n’est jamais trop prudent ! En amont, il faut rendre hommage au travail de préparation de l’événement, sur deux années pour le personnel de Cluny, et ce en parallèle avec la programmation du Musée qui ne devait pas souffrir de cette opération.
L’établissement français a donc prêté des tapisseries, comme la Légende de saint Étienne (tapisserie à la licorne, réalisée vers 1500), la Broderie aux léopards (achevée entre 1330 et 1340), l’olifant d’ivoire provenant de l’abbaye Saint-Arnoul de Metz, mais également des émaux, comme le Reliquaire de Saint François d’Assise (après 1228), des céramiques, dont le bassin creux à bélières (fin du XIVe, début du XVe siècle), ainsi que des objets décoratifs, tels que les scènes galantes figurant sur un coffret réalisé en Flandres à la fin du XIVe siècle. Une première par le nombre de pièces remarquables sorties hors du territoire.
Quid de l’exposition ? À la lecture du titre, le visiteur imagine une propos relativement simple, mais qui se révèle in fine ambitieux : à travers plus de 600 ans de production artistique en Europe occidentale, l’événement veut démontrer comment artisans et artistes médiévaux ont développé une vision originale de la nature en expérimentant les matériaux et les formes. Pour cela, la sélection des pièces, entre le Xe siècle et le XVe siècle, a été conjointement faite par les deux musées, proposant une variété revendiquée avec des chapiteaux de pierre calcaire, des pièces d’ivoire et d’orfèvrerie, des émaux, des vitraux, des tapisseries, des textiles et des enluminures. Le choix était grand, Cluny disposant dans ses collections de très belles pièces. Les compétences « maison » pour aborder le sujet retenu ont été bien évidemment sollicitées. Pour rappel, Christine Descatoire, conservatrice au Musée de Cluny, avait fait une brillante conférence le 7 juin dernier à Cluny dans le cadre de « Un mois / une œuvre » sur le thème… Art et nature au Moyen Âge !
Pour l’exposition québécoise, plusieurs thèmes – peut-être trop puisque on en compte neuf, parfois très éloignés ! – ont été retenus, nourris par les collections parisiennes de Cluny : les sources antiques, barbares et islamiques ; la stylisation végétale et animale dans l’art roman ; la flore et la faune dans l’iconographie chrétienne ; le monde fantastique du roman au gothique ; le décor stylisé dans les arts décoratifs et l’héraldique ; la nature observée dans le décor gothique ; la nature réelle dans le cadre de vie et la parure ; l’iconographie religieuse et la symbolique mariale ; la vie quotidienne et l’émergence du paysage. Pour répondre à ce panel très large de thématiques, la scénographie a eu fort à faire et les photos des premières « maquettes » dévoilées confidentiellement sur les réseaux sociaux sont longtemps restées énigmatiques sur le sujet.
Une vidéo en ligne lors de l’ouverture de l’exposition n’a pas permis de se rendre compte du sérieux et de la sobriété scénographique de l’événement. Il a fallu donc se rabattre sur les photos des visiteurs mises en ligne sur les médias sociaux… et sur la page Facebook du MNBAQ.
Une exposition qui fera finalement date au Québec, comme en France – l’événement a été également médiatisée en France. Une coopération des plus intéressantes et positives entre deux musées cousins, et une notoriété de Cluny de fait renforcée sur les terres nord-américaines. On aime. Vraiment.
Photos : Fragment de gisant en marbre. Chiens, France, XIVe s. Mode d’acquisition inconnu © Musée national du Moyen Âge de Cluny, DR – premières maquettes de la scénographie © MNBAQ, DR.
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