Ce soir, j’ai rencontré Jehan Le Brave, gentilhomme du XIVe siècle…
Posté par sourcesmedievales le 15 janvier 2013
La rumeur courait depuis quelques semaines et plusieurs geeks, influenceurs et influencés, y avaient fait allusion dans des tweets tardifs et discrets. Les médias sociaux abritent parfois des personnages improbables, le web 2.0 est propice à beaucoup d’excentricités, mais le réseau social Twitter bougeait depuis peu les lignes avec un curieux personnage, présent quotidiennement par ses gazouillis, lu avidement par des milliers de followers, un certain Jehan Le Brave (@jehanlb).
Le côté étrange du personnage de Jehan Le Brave ? Probablement sa présence dans ce XXIe siècle connecté et numérique. Se présentant comme le « Dauphin de France » habitant « Lutèce La bel », l’homme prévient de sa présence à titre personnel sur Twitter : « Twytts miens n’ensgagent que le Roy » [sic]. Et c’est peut-être là que la situation dérape pour le geek contemporain. Jehan Le Brave ne s’exprime en effet qu’en vieux français dans ses tweets, un vieux français parfois mâtiné d’Oïl et d’Oc, un vieux français que l’on déchiffre parfois avec peine. Depuis son arrivée sur Twitter, que ce soit par ses commentaires, ses souvenirs d’un Moyen Âge qu’il connaît mieux que le vulgare pecus du XXIe siècle, ou ses réponses et DM (message direct) – quand il répond -, le personnage ne pratique qu’une langue bien ancienne en 140 caractères. Son avatar (ci-dessus) confirme son époque, dont l’origine se trouve dans les confidentielles collections du Musée de l’Hospice Comtesse de Lille. Il s’agit d’une peinture, d’un auteur anonyme semble-t-il, de Jean Ier de Bourgogne, alors qu’il était duc de Bourgogne. Et on en sait guère plus.
Quand Jehan le Brave a souhaité me rencontrer, curieux de l’#avisduMédiéviste, la date a été rapidement prise et le rendez-vous fixé – dans une taverne d’une rue sombre parisienne, comme le lecteur peut s’y attendre. Et ce soir-là, j’ai rencontré Jehan le Brave, gentilhomme du XIVe siècle finissant, quelque peu égaré dans ce XXIe siècle naissant, mais ô combien perspicace et précis dans son regard sur notre monde contemporain. Un Jehan décomplexé par la technologie, amusé par le métro – qu’il a pourtant vertement décrit dans ses tweets – , intéressé par le « télétravayl » [sic] qu’il « envisageois vecques grand serieulx » [sic], mais surtout intrigué par l’actualité people de Paris. Un Jehan férocement « de Lutèce », buvant sec – bières comme alcools forts –, peu enclin à s’étaler sur ce présent qu’il perçoit mal, mais ravi et enchanter de rencontrer un « biau compagnon de taverne vecques l’ont refois le monde mésdiéval » [re-sic]. Une rencontre des plus improbables qui s’est finie tard dans la nuit froide, Jehan me confiant reprendre un « destrier » pour retourner dans ses quartiers. On se l’est promis ; notre prochaine rencontre se fera dans un lieu plus culturel, un musée, celui du Moyen Âge de Cluny, pour que Jehan me raconte son siècle.
Ce genre de personnage est ce qui rend Twitter et les réseaux sociaux intéressants. Je suis fan de ce monsieur et de ses traits d’esprits, notamment sur l’actualité, qui créent un téléscopage savoureux entre notre époque et le moyen-âge. Et si notre futur était aussi dans notre passé ?
A propos de savoureux, ses derniers tweets sur l’affaire Findus le sont particulièrement :
@Jehanlb Lors qve novs cherchyons destrier nostre, novs comprimes veqves effroy qv’yceux asvois tragiqvement fini dedans la pitance Findvs. #findus
génial un personnage haut en couleur. Bravo à lui et à vous.