Le siège et la prise de Constantinople (1453) 2/2
Posté par sourcesmedievales le 24 mai 2008
« Rien n’égalera jamais l’horreur de ce déchirant et terrible spectacle. Des gens, effrayés par les cris, sortirent de chez eux en courant et furent frappés par l’épée avant même de savoir ce qui se passait. Certains furent massacrés dans leurs maisons où ils essayaient de se cacher, et d’autres dans les églises où ils cherchaient refuge. Les soldats turcs, comme enragés, n’accordaient pas de merci. Lorsqu’ils avaient massacré et que toute résistance était anéantie, ils s’adonnaient au pillage, parcouraient la ville et volaient, dérobaient, pillaient, tuaient, violaient, capturaient les hommes jeunes et vieux, les femmes, les enfants, les moines, les prêtres, les gens de toutes sortes et de toutes conditions. Des vierges sortaient de sommeils agités pour trouver ces brigands debout au-dessus d’elles, avec des mains ensanglantées et des visages empreints de fureur abjecte. Ces brutes forcenées, issues de toutes les nations, se ruaient dans leurs maisons, les arrachaient, les traînaient, les violentaient, les déshonoraient, les violaient à tous les coins de rues et leurs faisaient subir les plus horribles outrages. On a même raconté qu’à la simple vue de ces Turcs, beaucoup de jeunes filles étaient frappées d’une telle stupeur qu’elles rendaient presque l’âme.
Des vieillards à l’aspect respectable étaient traînés par leurs cheveux blancs et misérablement battus. Des prêtres étaient emmenés en captivité par fournées, ainsi que des vierges vénérables, des ermites, et des anachorètes qui étaient consacrés à Dieu et ne vivaient que pour lui, à qui ils offraient le sacrifice de leurs personnes ; ils étaient arrachés de leurs cellules et des églises où ils avaient cherché refuge et, malgré leurs pleurs, leurs sanglots et leurs visages émaciés, ils devaient supporter les humiliations des Turcs avant d’être abattus. De tendres enfants étaient brutalement enlevés du sein de leur mère, des jeunes filles étaient impitoyablement livrées à des unions atroces et mille autres choses terribles arrivèrent encore […].
Les temples furent profanés, saccagés et pillés […], des objets sacrés jetés sans aucun respect, les vases saints et les icônes outragés. Les ornements furent brûlés, mis en pièces ou simplement jetés dans les rues. Les châsses des saints furent brutalement profanées pour en arracher les restes qui furent dispersés au vent ; les calices et les coupes pour la célébration de la messe furent employés pour leurs orgies, ou brisés, ou fondus, ou revendus. Les vêtements des prêtres, brodés d’or et ornés de perles et de pierres précieuses, furent vendus au plus offrant et brûlés pour en extraire l’or. Des livres sacrés et profanes furent brûlés par milliers, ou déchirés, ou foulés au pied ; la majeure partie, néanmoins, fut vendue à des prix dérisoires, pour quelques sous.
Les autels des saints furent brisés sur leur base et renversés. Toutes les cachettes les plus sacrées furent profanées et brisées pour en sortir les saints trésors qu’elles renfermaient […].
Lorsque Mohammed vit ces ravages, la destruction et les maisons abandonnées, et tout ce qui avait péri et s’était transformé en ruines, une grande tristesse s’empara de lui, et il regretta le pillage et toute la destruction. Des larmes lui montèrent aux yeux et au milieu des sanglots, il exprima sa tristesse : « Quelle ville c’était ! Et nous avons permis qu’elle fût détruite ! ». Son âme était pleine de chagrin ; et en fait cela était naturel, tellement l’horreur de la situation était au-delà de toutes limites. »
Critobulos Imbriota, De rebus gestis Mechemetis, l. 1, éd. C. Müller, Fragmenta historicorum graecorum, vol. 5-1, Paris, 1870, p. 61, 66 et 68 ; trad. H. Vast, « Le siège et la prise de Constantinople par les Turcs d’après des documents nouveaux », Revue historique, t. 13, 1880, p. 39.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.