La médecine franque d’après Usâma Ibn Munqidh
Posté par sourcesmedievales le 18 mai 2008
« Le maître d’al-Munâyt’ira écrivit à mon oncle pour lui demander de lui envoyer un médecin pour soigner certains de ses compagnons malades. Mon oncle lui dépêcha un médecin chrétien nommé Thâbit.
Celui-ci fut de retour en moins de six jours et nous lui dîmes : « Tu as eu vite fait de soigner ces malades ! » Voici ce qu’il nous raconta : « on me présenta un chevalier qui avait une tumeur à la jambe et une femme atteinte de consomption. Je mis un emplâtre au chevalier, la tumeur s’ouvrit et s’améliora ; je prescrivis une diète à la femme pour lui rafraîchir le tempérament. Mais voici qu’arrive un médecin franc, lequel déclara : « Cet homme ne sait pas les soigner ! » et, s’adressant au chevalier, il lui demanda : « Que préfères-tu ? Vivre avec une seule jambe ou mourir avec les deux ? ». Le patient ayant répondu qu’il aimait mieux vivre avec une seule jambe, le médecin ordonna : « amenez-moi un chevalier solide et une hache bien aiguisée. » Arrivèrent le chevalier et la hache tandis que j’étais toujours présent. Le médecin plaça la jambe sur un billot de bois et dit au chevalier : »Donne-lui un bon coup de hache pour la couper net ! » Sous mes yeux, l’homme frappa d’un premier coup, puis, ne l’ayant pas bien coupée, d’un second ; la moelle de la jambe gicla et le blessé mourut à l’instant même.
Examinant la femme, le médecin dit : « Elle a dans la tête un démon qui est amoureux d’elle. Coupez-lui les cheveux ! » On les lui coupa et elle recommença à manger de leur nourriture, avec de l’ail et de la moutarde, ce qui augmenta la consomption. « C’est donc que le diable lui est entré dans la tête », trancha le médecin, et saisissant un rasoir, il lui fit une incision en forme de croix, écarta le cerveau pour faire apparaître l’os de la tête et le frotta avec du sel […] et la femme mourut sur le champ. Je demandai alors : » Vous n’avez plus besoin de moi ? » Ils me dirent que non et je m’en revins après avoir appris de leur médecine bien des choses que précédemment j’ignorais. »
Usâma Ibn Munqidh, Des enseignements de la vie. Souvenirs d’un gentilhomme syrien du temps des croisades, éd. A. Miquel, Paris, 1983, p. 291-293.
Quelle est la différence entre la médecine pratiquée par le syrien et celle pratiquée par le franc ?
Bonsoir,
Au travers de ce court texte, Usâma Ibn Munqidh démontre les errements de la médecine franque et l’absence de diagnostic dans le traitement des blessés ou des malades. La différence est grande. Je vous conseille la lecture de F. Micheau, « L’âge d’or de la médecine arabe », L’Histoire, 74 (janvier 1985), p. 30-37.
Bonne soirée,
Le modérateur
ce texte que j’ai étudié en deuxieme année de deug histoire m’a inspiré pour écrire un mémoire sur les relation sociales entre les francs et musulmans dans les pays latins d’orient.
le récit d’ibn munqidh est fabuleux et très original, c’est un livre qui se lit facilement et avec lequel on prend beaucoup de plaisir.
je devait alors commenter ce texte lors d’un exposé à la fac. en recherchant le livre traduit et illustré par andré miquel (1986) imprimerie nationale. j’ai lu tout le livre a la bibliothèque !
mon mémoire s’intitule : « Les Francs vus par Usâma Ibn Munqidh chroniqueur syrien à l’époque des croisades »