Les Sarrasins en Italie méridionale (841-846)
Posté par sourcesmedievales le 13 avril 2008
« Si tu veux savoir, lecteur à venir, pour quelle raison les Sarrasins ont dominé le territoire de Bénévent, sache que telle fut l’occasion. Une fois Sicard, prince de Bénévent, tué par les siens, le chambrier palatin Radelchis lui succéda comme prince. À Tarente résidait alors le belliqueux Siconolf, fils du grand prince Sico de bonne mémoire. Sur ces entrefaites, les Capouans commirent les plus grands scandales, les notables furent tués par leurs sujets : leurs biens pillés, et ils s’offrirent en spectacle scandaleux à l’univers. Pour cette raison, ils redoutaient d’aller à Bénévent et d’obéir aux ordres de leur prince Radelchis. Ils machinèrent de nouvelles tromperies et allèrent trouver à Tarente Siconolf, le fils du susdit prince, et avec leurs alliés, leurs semblables pour ce qui était des scandales, ils se mirent sous le principat de Siconolf. Peu après, celui-ci entra dans Salerne et la plus grande part du territoire de Bénévent rallia son camp. Le prince Radelchis s’enflamma de haine contre lui et s’efforça de le chasser de ses terres. De ce long combat, des mauvaises actions commises de part et d’autre, aucun récit ne peut supporter l’étendue, aucun savant ne peut expliquer le sens, personne ne peut donner la description. En ce temps, le susdit prince Radelchis, par l’entremise de Pando, gastald de Bari, invita les sarrasins d’outre-mer à lui porter secours ; ceux-ci, longtemps demeurés dans les environs de Ban, s’emparèrent en pleine nuit, comme ils ont habitude de faire, de la dite ville, que l’on appelle en grec barèn, ce qui veut dire main lourde ou vigoureuse. Un nom qu’elle s’est jadis méritée à cause de la lourdeur de ses méchants crimes ou de la vigueur des dévastations sarrasines, par lesquelles elle ne s’est que trop déchaînée contre nous. Le premier roi de cette troupe inique s’appelait Kalfons ; couverts de vêtements et de chausses, ils n’étaient pas même protégés d’une armure et n’avaient en main que des roseaux. C’est avec eux que Radelchis dévasta toute la principauté de Siconolf et réduisit en cendres toute la vieille Capoue ; depuis tout ne fait qu’empirer. En ce temps, ils se livrèrent bataille à Canne.
À cette époque, les Sarrasins attaquèrent Rome, saccagèrent toute la basilique du prince des bienheureux apôtres Pierre et l’église de Saint-Paul et y tuèrent de nombreux Saxons, d’autres, très nombreux, des deux sexes et de tout âge. Ils dévastèrent la ville de Fondi et pillèrent les alentours, puis en septembre installèrent leur camp aux environs de Gaète. Là, des Francs les y rejoignirent, mais leur armée fut défaite par les Sarrasins le 4 des ides de novembre [10 novembre] et s’enfuit [...].
En ce temps, le prince Siconolf pour payer tribut aux Espagnols enleva un énorme trésor au monastère de Saint-Be [du Mont Cassin] : la première fois, un bassin d’argent, une paire de récipients, une paire d’éperons garnis de pierre d’émeraudes, un manteau de soie pourpre avec de l’or et perles. La deuxième fois, cent trente livres d’or de récipient, la troisième fois trois cent soixante-cinq livres d’argent et trois mille sous d’or monnayés ; la quatrième fois deux bas pesant trente livres et sept surtouts brodés ; la cinquième fois il enleva quatorze mille sous frappés et récents ; puis en or ciselés, un récipient et une coupe, [en argent] dorée, un drap de Constantinople ; ensuite, la sixième fois, Siconolf fit lâcher de force au monastère par le comte Lando et le gasl Aldemarius deux mille sous et la couronne de son père prince Sico, ornée d’or et d’émeraudes. »
Chronica Sancli Benedicti Casinensis, 6-8. éd. G. Waitz, MGH, Scriprores rerum langobardicarum et italicarum, Hanovre. 1878. P. 471-473.
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