Ordonnance royale sur le fonctionnement du Parlement (1278)
Posté par sourcesmedievales le 7 avril 2008
« Ce sont les constitutions de notre seigneur le roi de France faites au Parlement, à Paris. l’an de grâce 1277, le lendemain de la Tiphaine.
1. Il faut prendre garde pour abréger les sessions du Parlement à ce que nulle cause ne soit traitée en Parlement qui pourrait ou devrait l’être devant le bailli.
2. Au terme de chaque bailliage, les plaideurs se présenteront au jour dit de la façon qu’il a été autrefois ordonné.
3. Quand les parties se présenteront le jour de leur bailliage, ils attendront dans la salle, sans entrer en la chambre des plaids avant d’y avoir été appelés.
4. Les clercs des arrêts nommeront les parties ayant causes et les parties seront appelées par l’huissier quand les maîtres donneront l’ordre d’entrer dans la chambre des plaids et il n’entrera alors personne d’autre qui ne soit nécessaire à la cause.
5. Quand les parties seront entrées, le demandeur exposera le plus brièvement possible son fait et de la même façon le défenseur répondra.
6. Après l’exposition des faits et la défense, les maîtres prendront leurs décisions et on les mettra par écrit afin de supprimer la querelle entre les parties.
7. La cause, ainsi mise par écrit, sera envoyée aux auditeurs de la cour octroyés aux parties dans le pays dont ils sont originaires. Et de façon que la cour puisse avoir sous la main les auditeurs qu’elle voudra établir, chacun des baillis devra donner 10 noms par écrit aux clercs des arrêts, de personnes capables de faire correctement ce qui leur sera demandé et 2 auditeurs seront suffisants pour chaque procès.
8. Les parties qui auront à plaider entreront dans la chambre des plaids par la porte près de la salle et en sortiront par la porte vers le verger quand ils auront plaidé.
9. Les avocats ne doivent pas avoir l’audace de faire référence au droit écrit aux endroits où la coutume est utilisée, mais ils doivent utiliser la coutume.
10. Personne ne doit être entendu en la cour du roi pour plaider pour une autre personne, s’il n’est soumis à la justice séculière par laquelle il puisse être jugé s’il est trouvé en faute, sauf dans le cas où un clerc plaide pour lui-même, pour son église, ou pour des personnes qui lui sont parentes ou proches, pour son seigneur dont il tient son fief et le tiendra après cet acte. Il faut que soient entendus des procureurs et des « contremandeurs ».
11. Aucun avocat ne doit reprendre ce que les avocats qu’il aide aura dit mais il peut ajouter des nouveautés s’il en a.
12. Dans les causes à entendre, seul le bailli de Rouen parlera, sauf s’il arrive que son jugement soit repris.
13. Les conseillers qui seront présents auront à cœur d’étudier et de retenir ce qui est porté devant eux.
14 Aucun conseiller ne doit contredire les parties plaidant, mais chacun des plaidants doit écouter paisiblement, sauf si par hasard un éclaircissement ou une question est nécessaire.
15. Les arrêts du jour doivent être réglés le jour même, ou le lendemain au plus tard.
16. Les requêtes doivent être entendues par des maîtres dans la salle et celles qui nécessitent sa grâce doivent être rapportées au roi ; pour les autres, on donnera les ordres nécessaires aux baillis.
17 Les gens habitant en pays de droit écrit seront entendus par certains auditeurs de la cour, ainsi qu’il a été autrefois décidé.
18. Les rapporteurs des enquêtes recevront les enquêtes de certaines personnes de la cour à ceci commises, et les enquêtes seront jugées par eux ensemble, sauf si par hasard certaines enquêtes concernent des choses ou des personnes importantes, auquel cas, à cause de leur importance, il faut les rapporter au commun conseil.
19. Pour prendre conseil, l’un demande et les conseillers répondent aussitôt et celui qui parlera ne doit pas être contredit, et personne ne doit rapporter ce que ses co-conseillers auront dit, mais il doit répondre brièvement à ce qui doit être donné ou enlevé, et le second qui répond peut ajouter seulement de nouvelles raisons aux paroles de son prédécesseur.
20. Les gens d’un bailliage ne seront pas entendus avant que la précédente cause n’ait été terminée.
21. Après que les affaires d’un bailliage sont terminées, personne ne sera entendu sur une nouvelle requête, sauf pour des affaires qui seront apparues après coup.
22. Après que la demande sera faite et que la partie adverse dit qu’elle veut recevoir conseil, qu’elle reçoive aussitôt conseil ou bien, si c’est nécessaire, on l’attendra seulement jusqu’au lendemain, et le lendemain les parties devront venir suffisamment tôt le matin afin que l’affaire soit terminée avant toutes les autres.
23. Personne habitant les pays de droit écrit n’ira en la chambre des plaids mais sera reçu par les auditeurs destinés à cela.
24. Aucun bailli ne doit déposer un procès en Parlement sans commandement spécial du roi ou des maîtres siégeant en la chambre des plaids.
25. Dans la chambre des plaids, il doit toujours y avoir un clerc pour écrire les lettres de sang et un autre clerc pour les autres lettres, si c’est possible.
26. Si quiconque se trouve dans un procès mu par défaut de droit ou appel de faux et mauvais jugement, s’il perd ce procès il sera puni très gravement.
27. Les chevaliers et les clercs du Conseil doivent avoir à cœur de régler les affaires du Parlement et personne ne doit être absent ; ils doivent tous venir tôt le matin et ne pas s’en aller avant l’heure.
28. Les procès de « nouvelle dessaisine » ne doivent pas venir en Parlement, mais chaque bailli dans son bailliage, entouré de bonnes gens, doit aller sur place et chercher à savoir discrètement s’il s’agit d’une nouvelle dessaisine ou de troubles ou empêchements, et s’il en est ainsi, il doit faire aussitôt ressaisir le lieu et prendre le procès dans la main du roi et faire droit aux parties.
29. Si quiconque se plaint du prévôt ou du sergent devant le bailli, le bailli ne doit pas plaider leur cause ni les soutenir, mais il doit rendre justice rapidement aux parties de telle sorte qu’il ne soit pas nécessaire d’avoir recours à la cour.
30. Tout bailli dans la cour duquel on juge avec des prudhommes, doit obliger ces hommes à juger le plus rapidement qu’ils le pourront les causes portées devant eux, de telle sorte que les jugements ne soient pas retardés par la « malice » ou les avis adverses, pour le dommage des parties. »
P. Guilhermoz, Enquêtes et procès. Étude sur la procédure et le fonctionnement du Parlement au XIVe siècle, Paris, 1892, p. 604-610 ; éd. par G. Brunel, E. Lalou (dir.), Sources d’histoire médiévale, IXe – milieu du XIVe siècle, Paris, 1992, p. 730-733.
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